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Des montres « Swiss Made » au tartan écossais jusqu’à une laine chère à Chanel au centre du débat sur le Brexit

Sommaire

 

L’indication géographique point fondamental du Brexit

Des montres Cartier et Rolex « Swiss Made » et des imprimés écossais en tartan (comme ceux qui sont apparus dans la collection automne/hiver 1995 d’Alexander McQueen) à la laine indigène des Shetland (un textile utilisé par des marques comme Celine, Prada, Pringle of Scotland, Acne et Chanel, entre autres), et une foule de produits alimentaires et de spiritueux, dont le champagne, le prosecco, le parmesan et la feta, ainsi que la bière bavaroise, l’Union européenne protège farouchement les produits de base qui portent des indications géographiques.

 

Loin d’une terminologie arbitraire, ces types de produits – qui sont protégés par le biais d’un cadre juridique qui dicte que certains produits ne peuvent être fabriqués que dans certaines régions – sont souvent dotés de grandes parts de marché au Royaume-Uni, la fidélité des consommateurs étant construite et consolidée par l’utilisation de ces noms géographiques réputés. Dans cette optique, et étant donné que de nombreux produits sont protégés par le régime d’appellation de l’UE, contribuant ainsi à protéger à la fois leur qualité et leur valeur, ces produits particuliers et leur étiquetage devraient être impactés à la lumière du retrait imminent du Royaume-Uni de l’UE.

 

Pour être exact, lorsque le Royaume-Uni quittera l’UE, il ne sera plus régi par les lois de l’union désormais composée de 28 membres, y compris le statut de protection de ces produits, et si un livre blanc de juillet 2018 de la première ministre britannique Theresa May, exposant les plans du Royaume-Uni pour le Brexit, déclare que la Grande-Bretagne mettra en place sa propre protection des noms géographiques, il ne mentionne aucun maintien du régime de protection de l’UE à l’intérieur des frontières britanniques, ce qui laisse place aux questions et aux inquiétudes. Certains à Bruxelles, par exemple, ont exprimé la crainte que les producteurs britanniques commencent à exploiter des noms européens précédemment protégés.

Plus encore, la Commission européenne – qui a présenté sa propre proposition suggérant que le Royaume-Uni continue à protéger les indications géographiques de l’UE – craint qu’après le Brexit, le haut niveau de protection dont bénéficient actuellement les produits européens au Royaume-Uni en vertu du droit européen ne s’évapore.

Plus ironiquement, les produits britanniques sont censés perdre leur statut protégé dans l’UE après le Brexit (et pourraient toujours demander de nouveaux enregistrements européens à l’avenir), puisque l’UE permet la protection des noms géographiques de pays non membres de l’UE, un déséquilibre qui semble plaire aux négociateurs britanniques.

 

Le Brexit pourrait profiter aux produits venant des Etats-unis

Mais le souhait de l’UE que la Grande-Bretagne post-Brexit conserve sa protection des indications géographiques ne peut qu’entrer en collision avec les intérêts stratégiques américains. La position américaine est un facteur important à prendre en compte dans les négociations sur le Brexit. Si le Royaume-Uni signe un accord commercial avec les États-Unis, il risque d’entrer en conflit avec de nombreuses réglementations européennes – notamment les dispositions régissant l’utilisation des noms géographiques pour les aliments et les boissons.

 

Les États-Unis jouent selon des règles différentes en ce qui concerne la protection de ces noms. Il existe de nombreuses entreprises alimentaires américaines qui utilisent librement des expressions géographiques européennes (notamment parmesan et feta pour le fromage) pour identifier des produits qui n’ont pas été fabriqués dans les lieux européens concernés. Aux États-Unis, ces noms sont considérés comme des noms génériques qui décrivent les produits et qui ne peuvent être monopolisés par personne, pas même par les producteurs provenant de la zone géographique européenne concernée. Dans cette veine, les États-Unis font pression sur le Royaume-Uni pour qu’il abandonne la protection des indications géographiques de l’UE pour permettre aux entreprises américaines de produits alimentaires et de boissons d’entrer sur le marché britannique en utilisant librement des noms européens.

Un accord commercial entre les États-Unis et le Royaume-Uni serait probablement subordonné à l’abandon par le Royaume-Uni de la protection des indications géographiques au niveau de l’UE. Mais cela, à son tour, mettrait un frein aux perspectives d’un accord commercial avec l’UE – un partenaire commercial encore plus important pour le Royaume-Uni.

L’UE a continuellement mis l’accent sur la protection de ses noms géographiques lors des négociations commerciales. Cela s’est avéré être un gros point de friction dans les négociations du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. La France et la Grèce, par exemple, ont menacé d’opposer leur veto à un accord avec les États-Unis s’ils ne défendaient pas leurs indications géographiques. Plus récemment, le ministre italien de l’agriculture a noté que l’Italie pourrait ne pas ratifier l’accord commercial de l’UE avec le Canada car, selon lui, il ne protège pas suffisamment les noms géographiques italiens.

 

Il n’est donc pas exagéré de dire qu’au moins une partie de l’accord sur le Brexit pourrait très bien s’articuler autour de la question des indications géographiques.

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